Les satellites et la surveillance de l’environnement
En 2016, une centaine de satellites civils observent la Terre depuis l’espace. Ils permettent de recueillir des données, le plus souvent sous forme d’images, sur toute la surface de notre planète y compris dans les endroits les plus inaccessibles.
Avec l’appui de mesures de terrain et de modèles scientifiquement validés, la télédétection permet, à un coût modéré et de façon répétée dans le temps, l’étude, la modélisation et le suivi des phénomènes environnementaux — tels que la désertification — ainsi que la surveillance des ressources renouvelables à des échelles spatiales et temporelles variables. Elle délivre une base d’informations objective, exhaustive et permanente, ouvrant ainsi la voie aux systèmes d’alerte précoce ainsi qu’à l’établissement de scénarios et de prospectives à diverses échéances. Elle aide ainsi la prise de décisions à court terme et la définition de stratégiesà moyen et long termes dans un objectif de développement durable.
Des programmes nationaux et internationaux d’observation de la Terre sont mis en oeuvre depuis les années 1960 : Landsat, SPOT, RADARSAT, Envisat, SMOS, Sentinel, etc. En une cinquantaine d’années, les systèmes d’observation spatiaux ont permis d’acquérir des archives d’images extrêmement volumineuses et très hétérogènes. Des efforts importants ont depuis été menés au plan international pour rendre ces archives interopérables à coût minimal et facilement accessibles aux utilisateurs1.
1. Le dossier thématique du CSFD n°12 (nouvelle version du dossier n°2 qui traitait déjà ce thème) fournit une liste des sites internet des agences spatiales qui donnent accès gratuitement à des logiciels et des images satellitaires.
La télédétection est l’ensemble des appareils et des techniques produisant des images satellitaires ou aériennes permettant d’obtenir de l’information sur la surface terrestre— dont l’atmosphère et les océans — sans contact direct avec elle (Adaptation de la définition de la Commission interministérielle). Les applications de la télédétection sont variées : météorologie,environnement, urbanisme, etc.
Désertification et utilisation des images satellitaires
La télédétection apporte une aide irremplaçable dans la lutte contre la désertification. Associées à des études et des mesures de terrain, les multiples informations — des échelles locales à celles globales— fournies par les satellites permettent de comprendre les mécanismes de la désertification, de la suivre, de définir des plans de lutte et de faire le bilan des actions entreprises pour la combattre. En voici quelques exemples :
- Prévision météorologique et suivi d’évènements climatiques : les images satellitaires les plus utilisées dans le monde sont celles qui fournissent les données alimentant les modèles de prévision à court terme (bulletins de prévision météorologique), moyen terme (bulletins d’alerte) et long terme (modèles d’étude climatique). Ces images permettent le suivi des précipitations et la surveillance des sécheresses.
- Surveiller et comprendre les phénomènes éoliens : les images satellitaires permettent d’observer les formations sableuses des régions sèches et de les cartographier. Les vents ou les tempêtes de sable sont des manifestations de l’érosion éolienne typique de ces régions. Ces images permettent de les identifier, de les repérer et de mesurer leur étendue, ce qui est très difficile à faire depuis le sol. Prédire ces tempêtes de sable est par contre plus complexe et nécessite de combiner l’imagerie avec les techniques de modélisation.
- Suivre les fluctuations de l’humidité des sols permet d’estimer les quantités d’eau disponibles dans les sols pour les plantes. Plusieurs méthodes sont utilisables :
- Suivi des variations des températures de surface des zones de cultures irriguées : la télédétection permet, en lien avec des mesures de micrométéorologie de terrain, de cartographier l’évapotranspiration et de calculer ainsi la consommation d’eau précise à un instant donné dans une zone déterminée. Ces informations sont essentielles pour permettre une bonne gestion des ressources en eau.
- Suivi de l’humidité des sols à l’échelle continentale : des données globales (satellite SMOS depuis 2009) permettent de suivre et de donner l’alerte sur les sécheresses (voir l’encadré).
- Repérage des ressources en eau souterraines profondes : l’imagerie satellitaire permet de mieux connaître les systèmes aquifères à partir des structures géologiques apparaissant en surface. Grâce à certaines images radar (pour lequel le sable sec est « transparent »), la détection des anciens lits de rivières enfouis sous les sables permet de mieux connaître l’histoire de ces paysages et de localiser des nappes d’eau superficielle et, ainsi, de guider l’implantation des ouvrages de captage.
- Surveiller le développement et l’extension de la végétation verte :
- La mesure et le suivi d’indices de végétation — tels que NDVI, indice de végétation par différence normalisée — permettent de cartographier la végétation verte de façon régulière (« suivi » grâce aux images de SPOT-VGT, NOAA-AVHRR et NASA-MODIS par exemple).
- Des systèmes d’alerte précoce des sécheresses sont basés sur ce suivi d’indices de végétation par satellites, détectant les anomalies par rapport aux situations moyennes.
- Le suivi et la compréhension à moyen et long termes des fluctuations de la végétation sont ainsi rendus possibles même dans les régions sèches où il existe une forte variation saisonnière de la végétation mais, surtout, une grande variabilité interannuelle.
- La dégradation des terres est évaluée indirectement grâce au suivi à long terme de la couverture végétale dont la variation reflète la dynamique de la productivité de ces terres. La fréquence de la végétation observée sur de longues périodes est en effet un bon indicateur des conditions écologiques ou des conditions de production changeantes — fertilité des sols, disponibilité en eau, utilisation des terres.
- L’évolution de l’occupation des terres et son impact sont assez aisément détectés par l’étude des changements apparaissant entre des images prises à des dates successives : défrichements agricoles, feux (cultures sur brûlis, feux de brousse), urbanisation, etc.
Alors que bon nombre des satellites commerciaux récemment lancés fournissent des images de plus en plus détaillées, le développement des systèmes de survol sans pilote — les drones — donne à la télédétection une nouvelle dimension. En effet, ils permettent la prise de vue photographique et/ou vidéo à basse altitude, et donc le suivi des états de surface du sol. Les drones permettent le déploiement de moyens d’observation et de cartographie aérienne au niveau individuel, ou de petits groupes, afin de répondre à un besoin local et immédiat. Cette forme de « télédétection personnelle » va probablement se développer comme outil de suivi/évaluation des actions menées pour lutter contre la désertification.
Vers une démocratisation de l’utilisation des images satellitaires ?
La quantité d’informations produites par les satellites qui parviennent dans les stations de réception atteint des volumes vertigineux. Un des enjeux actuels est d’en maximiser l’usage et de la rendre utilisable et utile au plus grand nombre. Dans les régions sèches, dont bon nombre sont encore peu développées techniquement, c’est un vrai défi et un véritable espoir.
Actuellement, la télédétection spatiale, couplée aux réseaux de mesure au sol et aux modélisations de divers types, s’est imposée comme un outil pertinent, d’un usage de plus en plus aisé et opérationnel, pour fournir des informations sur la désertification et sa dynamique.
Même si les grands opérateurs privés, gestionnaires du « big data» (comme Google), sont apparus comme de nouveaux acteurs dans ce domaine de la surveillance de l’environnement mondial, la connaissance du terrain et l’implication des utilisateurs finaux de ces observations restent essentielles dans l’étude et la lutte contre la désertification.
La capacité des décideurs, des acteurs du développement, et, particulièrement, de la société civile, à s’approprier les outils que sont la télédétection et la géomatique, pour faciliter la maîtrise de la gestion de leurs territoires, sera déterminante pour l’orienter vers une plus grande durabilité et pour s’assurer que les écosystèmes rendent de meilleurs services à ceux qui les habitent. Profitant du mouvement généralisé de mise à la disposition auprès du grand public des données et des applications pour les traiter, l’engouement pour ces outils est à encourager. Cette tendance permettra de produire des informations au niveau citoyen qui viendront s’ajouter à celles des larges canaux des organismes nationaux et internationaux en charge de l’information géographique et environnementale.
Suivre l’humidité des sols à l’échelle continentale
De nouvelles données globales, basées sur les micro-ondes passives, en provenance du satellite SMOS (Soil Moisture Ocean Salinity) lancé en 2009, permettent une estimation du contenu en eau des sols à une échelle continentale. À cet effet, un indice d’humidité en zones racinaires a été mis au point en combinant les humidités de surface et la modélisation des processus d’évaporation et d’infiltration de l’eau.
La carte ci-dessous montre cet indice d’humidité calculé sur l’ensemble de l’Afrique à partir des données SMOS d’octobre 2011. Celui-ci varie entre 0 pour les conditions sèches à 1 pour les conditions humides. On y remarque la sécheresse exceptionnelle qui a touché la région de la Corne de l’Afrique à cette période. Cette carte montre aussi les conditions humides, normales en cette période de l’année, dans la partie ouest du Sahel. L’imagette en dessous de la carte, centrée sur la latitude 15° N, montre, pour comparaison, les conditions sèches du Sahel durant le mois de mars alors que les régions du sud-est du Soudan et du centre du Mali restent humides.
Cette nouvelle source d’informations paraît donc prometteuse pour le suivi et l’alerte de sécheresse ; les données sur l’état hydrique des sols sont par ailleurs essentielles pour alimenter les modèles de prévision et d’évolution du climat.