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Comité Scientifique Français de la Désertification

French Scientific Committee on Desertification
La sciences vers les jeunes
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Fiche d'actualité

Sciences et société civile

Paru en 2007
Auteur(s) : Bied-Charreton Marc, Requier-Desjardins Mélanie

Dans le cadre de la lutte contre la désertification

La recherche scientifique dans les zones arides 

Pendant longtemps la recherche agronomique s’est concentrée sur des thèmes fondamentaux et techniques dans l’idée d’un transfert linéaire vers le monde agricole. Le modèle partait de résultats en station qui étaient communiqués aux agriculteurs par des agents des services de vulgarisation. Ce modèle a failli pour différentes raisons imputables tant aux chercheurs qu’aux appareils d’État responsables des services de vulgarisation. Dans le même temps, les recherches sociales et anthropologiques étaient réduites et isolées, suscitant souvent la méfiance des pouvoirs publics.

Il a fallu attendre les grandes sécheresses des années 70 au Sahel pour que la recherche prenne en compte les savoir-faire traditionnels séculaires et les modes d’adaptation mis au point par les sociétés locales. La recherche agronomique a commencé à ‘sortir’ des stations. Les chercheurs en sciences sociales ont mis en évidence des situations locales complexes. De nouvelles approches ont alors été développées (intégrées, participatives…). Les bailleurs de fonds se sont rendus compte des effets négatifs des démarches ‘top-down’ grâce à l’influence exercée par les scientifiques. Ce mouvement s’est produit en même temps que la société civile s’organisait.

Aujourd’hui, les recherches en sciences sociales et en sciences du milieu sont définies avec l’avis des acteurs locaux. Les États ne sont plus les seuls décideurs. Les problématiques scientifiques ne sont plus alimentées par des logiques purement scientifiques : de nouvelles questions sont posées à la recherche.

L’apport des sciences dans la prise de décision des acteurs de la LCD 

La science est en mesure de fournir des connaissances utiles aux agriculteurs et aux éleveurs pour prendre leurs décisions ainsi qu’aux décideurs politiques tels un ministre de l’Agriculture et de l’Environnement d’un pays touché par la désertification. En effet :

  • La prise de décision d’un agriculteur dépend de paramètres caractérisant le milieu naturel dans lequel il cultive ainsi que d’autres inclus dans un champ de références culturelles et sociales. Son savoir-faire technique et son environnement économique sont aussi importants dans ce processus de prise de décision.
  • Les responsabilités d’un ministre nécessitent des informations scientifiques afin de (i) satisfaire les besoins alimentaires de son pays, (ii) prévenir et lutter contre les ravageurs, (iii) estimer l’état de la désertification et en faire état à la Convention tous les 2 ans, (iv) définir des politiques publiques agricoles et de soutien aux acteurs de la société civile. Ils doivent disposer de tableaux de bord et d’indicateurs de suivi des situations afin de prendre les bonnes décisions en Conseil des ministres. Des informations de nature biophysique et socio-économique sont alors nécessaires à la prise de décision.

Cependant, quel que soit l’utilisateur final des connaissances produites par la communauté scientifique, une communication efficace est indispensable pour rendre ces informations compréhensibles et accessibles par tous.

Plusieurs conditions sont alors nécessaires :

  • L’utilisateur final doit être formé, d’où l’importance de l’école et des formations de base pour les populations locales et celle des cadres des organisations impliquées dans la LCD.
  • Le message scientifique doit être compréhensible et arriver à temps, d’où la nécessité de médiateurs capables d’interpréter, de transcrire et de transmettre ces informations.
  • Des organisations de transfert de technologie (publiques ou privées) doivent exister.

La société civile dans les pays en développement menacés 

La société civile dans les pays en développement menacés par la désertification est l’ensemble des hommes et des femmes – ruraux, citadins, agriculteurs et/ou éleveurs, entrepreneurs- ainsi que les organisations villageoises traditionnelles ou organisées juridiquement, les groupements professionnels et ceux particuliers, les syndicats, les ONG locales, nationales et internationales présentes sur place, les partis politiques et les entreprises.

De nouvelles approches scientifiques pour la LCD : avec et pour l’utilisateur final 

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Sept projets de recherche-développement ont été conduits en Afrique entre 1999 et 2004, en partenariat Nord-Sud (financement MAEE / institutions de recherche nationales).Le CSFD en a assuré le suivi scientifique. La LCD y est placée dans un contexte d’aménagement du territoire et de développement durable. Des questions d’ordre technique, culturel, socio-économique et politique sont traitées simultanément. Les projets utilisent des approches multidisciplinaires et des démarches participatives depuis la conception jusqu’à la réalisation.

Des résultats socialement utiles émanent de ces projets : (i) renforcement de la capacité de la recherche locale par la formation et le développement d’outils de concertation scientifique, (ii) renforcement de la capacité des acteurs du développement grâce à des ateliers de travail avec les usagers des ressources et les pouvoirs publics ainsi que par les expérimentations in situ ;

(iii) aide à la négociation et à la prise de décision par la fourniture de connaissances nouvelles et de recommandations permettant la formulation de politiques publiques adaptées ; (iv) accompagnement des acteurs locaux du développement dans la gestion des ressources naturelles grâce à des méthodologies originales de travail recourant à des technologies de pointe.

Cette position du chercheur comme médiateur de développement est nouvelle et encore expérimentale. Elle ouvre des perspectives pour la LCD et pour le développement de partenariats avec la société civile. Elle montre que le rôle du chercheur n’est pas de faire la politique de développement mais bien de relayer les idées et les volontés des différents acteurs pour qu’ils construisent ensemble leur développement.

Vers un rôle nouveau du chercheur ? 

La science a déjà beaucoup apporté en termes de connaissances ; elle a été capable d’évoluer et les chercheurs commencent à dialoguer avec les utilisateurs finaux de leurs recherches. Les scientifiques peuvent constituer des lobbies très efficaces. Ils ont lancé les débats sur les changements climatiques et la biodiversité, ce qui a abouti aux Conventions des Nations Unies sur ces thèmes et au protocole de Kyoto. Actuellement, ils arrivent à lancer les débats sur la régulation des échanges économiques, les biens privés, les biens communs et les biens publics, les partenariats public/privé, le financement des investissements, etc. Les scientifiques sont aujourd’hui membres à part entière de la société civile avec une responsabilité sociale et politique particulière puisqu’ils détiennent des connaissances fondamentales et qu’ils peuvent jouer un rôle primordial dans le dialogue avec ceux qui détiennent des connaissances pratiques.

Le souci d’associer les bénéficiaires finaux à la définition même des problématiques de recherche est nouveau ainsi que de les associer à la recherche elle-même. Il en est de même du souci de communiquer des résultats. Le chercheur peut alors devenir un ‘expert’, i.e. une personne capable de donner des appréciations et des diagnostics d’une situation et de proposer des solutions et des outils d’aide à la décision. Il a une nouvelle position : au lieu de se poser des questions de recherche, il doit répondre à des questions concrètes émanant des pouvoirs publics, des agriculteurs et des éleveurs.

Cependant, ces derniers ne sont pas encore assez organisés dans les pays touchés par la désertification pour constituer un corps intermédiaire suffisamment solide et professionnel pour peser sur des décisions et influencer les scientifiques. Il existe alors un ‘chaînon manquant’ entre les chercheurs et les ruraux afin d’établir le dialogue. Qui doit jouer ce rôle de médiateur ? Quel devrait être le statut de ces corps intermédiaires, leur composition, leur financement, leur relation contractuelle entre d’une part les chercheurs et d’autre part les agriculteurs ? Il y a donc là un important champ de travail pour la coopération et la formation.

Auteur(s) membre(s) du CSFD