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Comité Scientifique Français de la Désertification

French Scientific Committee on Desertification
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Fiche d'actualité

Pourquoi faut-il investir en zones arides ?

Paru en 2007
Auteur(s) : Requier-Desjardins Mélanie

Le capital naturel : un ensemble de ressources exploitables 

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Depuis plus de 30 ans, les ressources naturelles des régions arides se dégradent en raison des pressions des hommes sur leur milieu naturel et des crises climatiques qui se sont manifestées dans diverses régions du monde. Cette dégradation du capital naturel entraîne un processus de désertification de plusieurs centaines de millions d’hectares sur tous les continents et conduit à des situations de pauvreté pour des centaines de millions de personnes.

La dégradation des écosystèmes est dommageable en termes économiques, sociaux et environnementaux.Prévenir leur dégradation et restaurer le capital naturel dégradé devraient figurer au titre des priorités nationales et internationales dans le contexte du respect des objectifs du Millénaire pour le développement adoptés en 2000. La question des coûts économiques de la dégradation des terres devient actuellement prioritaire dans les réunions internationales sur le développement des régions sèches.

Méthodes d’évaluation des pertes économiques dues à la dégradation des terres 

Elles sont de deux types :

  1. Les modélisations des processus d’érosion pluviale sur les surfaces cultivées se font grâce à la mesure des pertes moyennes en sols et en rendements des cultures par hectare et par an. Les rendements perdus sont évalués grâce à la perte en azote du sol liée à leur érosion, puis ils sont convertis en valeurs monétaires. La dégradation des terres coûterait 117 millions USD (valeur 1986) par an au Zimbabwe.
  2. Les approches spatiales divisent les surfaces affectées selon les activités économiques qui s’y déroulent (agriculture, élevage, forêt). Les pertes globales de production rurale sont obtenues en appliquant un taux de déclin à la productivité naturelle de ces espaces. L’unique estimation mondiale de la perte économique annuelle liée à la désertification, faite par Dregne, est de 42 milliards USD (valeur 1990). 

Ces méthodes ne prennent pas en compte la multifonctionnalité de l’espace ni les effets indirects de la dégradation des sols (envasement des barrages en aval, impacts des nuages de poussières…). Les résultats sont donc sous-estimés.

L’évaluation des coûts économiques de la désertification en Afrique 

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L’analyse des coûts de la désertification a été jusqu’à présent peu traitée. Ces résultats représentent en fait les coûts économiques de l’inaction dans les régions sèches et une meilleure connaissance de ces coûts déboucherait sur des argumentaires en faveur des investissements en terres arides.

En effet, les quelques résultats existants dans la littérature sont éloquents bien qu’ils soient sous-estimés. Ils ne prennent en compte, en effet, que les coûts directs de la désertification (les seules pertes agricoles). Ainsi, les pays d’Afrique du Nord ont par exemple des coûts annuels de la désertification compris entre 1,36% du PIB (Algérie) et 0,47% (Maroc). Dans les pays sub-sahariens, ils se situent entre 1 et 10% du PIB agricole.

Le coût annuel de la dégradation des terres dans les pays d’Afrique sub-saharienne est équivalent à leur croissance agricole moyenne. Ce résultat questionne alors la réalité du développement rural de ces pays.

Méthodes d’évaluation des pertes économiques dues à la dégradation des terres 

Le taux de retour économique ex post (TRE) est un indicateur intéressant car il permet de convaincre, chiffre à l’appui, de la rentabilité des investissements de LCD. Il compare une situation initiale (ou sans projet) avec la situation avec projet.

Le calcul se limite à une appréhension locale des bénéfices engendrés, elle-même réduite aux aspects mesurables de ces bénéfices : les variations de rendement des cultures ou de la production de bois dans le cas des opérations de reboisement. Ces quantités sont ensuite multipliées par les prix correspondants. La valorisation économique des gains obtenus est rapportée au coût des projets comme suit : 

Taux de retour économique = (bénéfices : coûts) x 100

Un second indicateur chiffré complète le TRE : le délai de retour économique sur investissement qui lui décrit les contraintes des producteurs.

Des projets rentables mais des délais de retour sur investissement trop longs 

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Les investissements de projets engagés dans la lutte contre la désertification (LCD) concernent des opérations de réhabilitation des terres. La rentabilité de ces investissements est calculée grâce au taux de retour économique (TRE). Les analyses des TRE engagés dans la LCD sont actuellement insuffisantes en nombre. Toutefois, les quelques TRE existants d’opérations de réhabilitation de terres sont positifs et encourageants bien qu’ils soient sous-évalués car ils se limitent aux seuls gains de production agricole. Les études existantes montrent que la rentabilité des projets est tributaire de critères sociaux et institutionnels : adéquation des projets à une demande sociale, décentralisation participative de la gestion des ressources naturelles, responsabilisation des producteurs, accès aux opportunités de marché… Les TRE ne donnent pas d’informations sur l’après projet et devraient inclure les bénéfices sociaux dans leur calcul (baisse des conflits locaux sur les ressources) et d’autres bénéfices régionaux ou globaux comme la stabilisation des populations, le maintien de la biodiversité et l’adaptation au changement climatique. Ils placeraient alors la désertification dans une perspective mondiale.

Les études existantes montrent que les investissements dans la LCD produisent des effets bénéfiques sur les sociétés et l’environnement. Pourtant les populations rurales ne les réalisent pas spontanément. En effet, le délai de retour sur les investissements de LCD est trop long compte tenu de l’étroitesse des marges de manoeuvre financières des producteurs locaux et de l’incertitude foncière dans ces régions. Il faut plusieurs années aux producteurs pour récupérer les investissements de techniques de conservation des eaux et des sols (zaï, digues…) pour réhabiliter ou entretenir leurs terres : de 4 à 5 années en moyenne et une fourchette élargie de 2 à 8 ans. Ces délais sont un frein à la mise en place de ces techniques de LCD. La question du seul investissement dans la récupération et dans l’entretien des terres comme moteur du développement rural est alors posé. Ne faut-il pas aussi, pour lutter contre la désertification, promouvoir des petites industries de valorisation des produits des régions sèches, l’écotourisme ou des activités de services ?

Faut-il investir en zones arides ? 

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La connaissance des coûts reste encore à être améliorée et elle ne fait pas l’objet d’une grande diffusion. La connaissance des réussites économiques en matière de LCD et des taux de retour associés n’est ni suffisante, ni suffisamment vulgarisée pour convaincre ceux qui pourraient investir. Par ailleurs, on constate depuis plus de dix ans une baisse régulière des investissements dans le domaine agricole en général, une baisse des priorités agricoles dans l’aide publique au développement, notamment dans les pays les plus touchés par la désertification bien qu’ils soient ceux vivant le plus de l’exploitation de leur ressources naturelles grâce aux activités agricoles et d’élevage. Les investissement dans la LCD sont rentables mais il existe de nombreux obstacles à franchir pour persuader les investisseurs publics, nationaux et internationaux ainsi que les investisseurs privés : l’absence de sécurisation foncière de nombreux producteurs, les faiblesses en matière de garantie des investissements, les faiblesses de l’organisation de la société civile, l’absence de capacité régulatrice des États et la trop grande fluctuation des marchés.

Par ailleurs, la nature des investissements à réaliser n’a été que peu discutée. Parallèlement à ces questions d’orientation des investissements se posent les questions de qui est prêt à investir, combien et comment, et avec quels acteurs. Les organisations paysannes ou villageoises sont-elles des partenaires juridiquement acceptables, avec lesquelles on peut contracter et auxquelles on peut donner ou prêter ? Si non, comment peuvent-elles le devenir ? Peut-on dégager des partenariats « aide publique au développement / crédits d’État / prêts privés / argent du retour des migrants » ?

Auteur(s) membre(s) du CSFD