Rechercher

Comité Scientifique Français de la Désertification

French Scientific Committee on Desertification
Vue aérienne
Facebook
Twitter
LinkedIn
Fiche d'actualité

La télédétection

Paru en 2007
Auteur(s) : Begni Gérard, Escadafal Richard

Un outil pour le suivi et l’évaluation de la désertification

Etude et suivi de l’environnement et des changements planétaires 

cnasa-modis

La télédétection est un outil puissant pour mettre en place des systèmes d’alerte précoce et la définition par les politiques et décideurs de stratégies adéquates dans le cadre d’un développement durable. En effet, les satellites permettent d’observer la Terre en couvrant à coûts modérés de très grandes surfaces de façon répétitive, homogène et systématique ; ce qui serait impossible à faire sur le terrain.Aujourd’hui, toute une gamme de satellites, à haute, moyenne et basse résolution, permet de surveiller notre environnement, faire des comparaisons dans le temps et dans l’espace et modéliser le fonctionnement des écosystèmes.

Dans le cadre de la lutte contre la désertification (LCD), la télédétection facilite le suivi et la surveillance à long terme des zones à risques, la définition des facteurs de désertification, l’aide à la prise de mesures adéquates de gestion environnementale par les décideurs et l’évaluation de l’impact de ces mesures.

Un système de télédétection ne génère pas une information directement utile ; c’est avant tout un outil qui produit des données. Tout l’art de la télédétection consiste à transformer des mesures physiques obtenues sur des surfaces en information utile. Les données doivent être analysées conjointement avec d’autres types de données (de terrain, socio-économiques, etc.) dans le but d’en extraire une information compréhensible pouvant être intégrée dans un système d’information et d’aide à la décision (système d’information géographique).

La télédétection : à la fois une discipline scientifique et une technologie 

Elle est définie comme  « l’ensemble des connaissances et techniques utilisées pour déterminer des caractéristiques physiques et biologiques d’objets par des mesures effectuées à distance, sans contact matériel avec ceux-ci ».

Journal Officiel du 11 décembre 1980

La télédétection au service de la lutte contre la désertification 

06-IRD_00010906.JPG

Les facteurs de désertification sont d’ordre naturel (climat) et anthropique (surpâturage, déboisement, pratiques culturales inadaptées). Afin d’évaluer le risque potentiel de désertification ou le stade de dégradation d’une aire donnée, ces facteurs sont associés à des indicateurs permettant d’alerter et d’aider les autorités locales ou nationales à entreprendre les actions adéquates pour y pallier. Deux indicateurs majeurs de désertification sont accessibles à l’observation spatiale :

  • le suivi de la couverture végétale,
  • modification de composition des surfaces sableuses et le transport éolien. Le rôle de la télédétection est d’évaluer ce type d’indicateur de désertification grâce à des « variables dérivées » mesurables par télédétection (humidité du sol, biomasse…). 

Le suivi par satellite doit tenir compte des caractéristiques écologiques des milieux surveillés et s’appuyer sur les connaissances issues du terrain. C’est la condition indispensable pour diagnostiquer l’état d’une zone et interpréter les changements d’états de surface dans le temps : dégradation, stabilité ou restauration des milieux. La multiplication des satellites et des capteurs augmente la densité et la diversité des informations acquises depuis l’espace.

L’enjeu est alors d’exploiter cet ensemble au mieux pour une surveillance précise au meilleur coût, alimentant des systèmes d’alerte précoce qui seuls intéressent vraiment les gestionnaires des territoires concernés.

Un exemple d’application : la surveillance d’une zone steppique sableuse 

r-escadafal-c-ird

La région de Menzel Habib (Tunisie présaharienne) a connu des phénomènes graves de désertification durant les années 80 combattus par un programme de lutte contre la dégradation des terres et l’ensablement. Elle a fait l’objet d’expériences de suivi par télédétection et d’étude sur les indicateurs écologiques à long terme ; c’est d’ailleurs un des observatoires du programme ROSELT (Réseau d’Observatoires de Surveillance écologique à Long Terme).

L’observation de séries d’images satellitaires permet de composer un « film » des états de surface. L’analyse doit porter sur une série suffisamment longue (23 ans pour cette région, 1976-1999) et dégager une synthèse en termes de tendances. La surveillance a concerné l’état de surface (indices de brillance et de coloration) plutôt que la biomasse bien trop faible pour que ses variations soient aisément détectables. Chaque image est classée selon une légende simple basée sur le type de sol et la densité du couvert végétal. Le pourcentage occupé par chacune des catégories est suivi dans le temps pour diagnostiquer l’évolution du milieu (stabilité, dégradation, amélioration).

La figure illustre une synthèse obtenue en analysant les tendances observées sur des images classées sur cinq dates (1989 à 1999) et concernant les surfaces ensablées (sables mobiles, dunes, etc.). Il existe une diminution des surfaces des zones ensablées au profit de celles à sables fixés et des cultures. Les efforts de fixation des sables mobiles qui avaient envahi la région pendant la décennie précédente ont porté leurs fruits ; la surveillance par télédétection a permis de quantifier sur de larges étendues cet effet qui a bien sûr été aussi observé localement sur le terrain.

Image

Les images satellitaires : à quel coût ? 

Le prix est variable et dépend principalement du type d’image (archive ou programmation), de leurs caractéristiques (résolution spatiale et spectrale, niveau de prétraitement) mais aussi des fournisseurs. 

En 2005, les prix variaient entre 1 600 et 13 000 euros (images à haute résolution, celles à basse résolution étant gratuites). Il existe des programmes d’aide à la communauté scientifique : le programme ISIS (Cnes) permet aux chercheurs français d’acquérir des images Spot à des tarifs préférentiels (50 à 520 €) grâce à une compensation financière réalisée par le Cnes ; les programmes OASIS (Commission européenne) et TPM (ESA) fournissent gratuitement des données satellites aux chercheurs. L’accès à ces programmes se fait sous conditions. 

Le coût de la télédétection est modéré au vu des gains qu’elle permet de réaliser par rapport à d’autres techniques d’acquisition de données. L’usage judicieux de la télédétection est le plus souvent rentable.

La télédétection : un outil à la portée de tous ? 

La télédétection est un outil fiable d’acquisition de données mais son coût reste relativement élevé. Il est fréquent d’utiliser des images de basse résolution (moins chères) pour pratiquer un suivi régulier de vastes surfaces (quotidien ou hebdomadaire). Un nombre restreint d’images de haute résolution, plus chères à l’achat, acquises moins fréquemment, peut être utilisé de façon plus spécifique. Ainsi, lorsqu’une évolution anormale apparaît sur les images à basse résolution (alerte précoce), il est possible d’observer plus finement ce qui se passe dans ces endroits précis avec des images à haute résolution et en réalisant des expertises sur le terrain.

Il existe entre les spécialistes des techniques numériques de télédétection et les acteurs de la LCD une « fracture numérique » qu’il convient de réduire :

  • En couplant des informations spatiales et de terrain. Il existe une distance considérable entre les processus complexes de désertification, les indicateurs pour les suivre, les variables que la télédétection permet d’observer et la représentativité des modèles. Certaines de ces difficultés sont levées en associant, dans les modèles, des données de télédétection et d’autres de terrain par exemple, certaines données étant inaccessibles par télédétection. Les modèles doivent aussi s’inscrire dans la durée.
  • En ciblant mieux l’aide internationale. Les investissements, les coûts d’exploitation et ceux de formation des spécialistes de la télédétection doivent être prévus. Or, les pays menacés par la désertification sont pauvres et ne peuvent que difficilement financer ces coûts récurrents et stabiliser le personnel spécialisé. Malheureusement, l’aide internationale porte plus souvent sur des investissements intellectuels ou matériels que sur les coûts récurrents d’exploitation, ce qui risque de rendre vains les investissements consentis (fuite des cerveaux, obsolescence du matériel).
  • En diffusant mieux les techniques de télédétection aux utilisateurs finaux. Des produits relativement simples sont disponibles comme les bulletins d’alerte. Il faut que les utilisateurs y aient accès et puissent les interpréter. Le développement des techniques de communication numérique fait que le problème de distribution, encore réel il y a quelques années, s’atténue fortement. Néanmoins, le problème de la formation des utilisateurs à ces technologies de télédétection se pose toujours.

Il convient de réduire ces trois « fractures » de façon concertée. Sinon, de nouvelles connaissances seraient générées sans être mises en œuvre ou bien les pratiques des acteurs compétents stagneraient alors que le progrès technologique permettrait d’aller plus loin et d’assurer le développement durable des régions et des populations les plus vulnérables de notre planète.