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Comité Scientifique Français de la Désertification

French Scientific Committee on Desertification
Vent de sable, Burkina Faso
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Fiche d'actualité

Combattre l’érosion éolienne

Paru en 2007
Auteur(s) : Mainguet Monique

Un volet de la lutte contre la désertification

L’érosion éolienne, un mécanisme complexe de dégradation du milieu sous l’action du vent 

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L’érosion éolienne est un des processus les plus traumatisants de la désertification. Elle conduit à une dégradation environnementale sévère par l’appauvrissement des sols et le déplacement de volumes élevés de particules par le vent. Insidieuse dans ses premiers stades et alors difficile à déceler, elle ne devient perceptible pour les non-spécialistes que lorsqu’elle atteint un stade avancé, difficile à maîtriser.

L’érosion éolienne est le principal facteur physique d’épuisement des terres agricoles et, par l’ensablement, constitue une des gênes majeures dans les aires urbaines et oasiennes des écosystèmes secs, engendrant pauvreté et migration pour les populations humaines qui abandonnent leurs terres devenues stériles pour des terres nouvelles ou pour les villes.

L’homme, tant le paysan que le pasteur, le citadin ou le décideur politique, joue, par ses activités et ses aménagements, un rôle essentiel de déclencheur ou d’accélérateur de l’érosion éolienne. Les facteurs anthropiques (déforestation, surpâturage…) sont aggravés par leur superposition avec des phases de sécheresse récurrentes ou des « accidents » pluviométriques (inondations… ). Il existe également des facteurs de vulnérabilité à l’érosion éolienne inhérents aux écosystèmes secs, le premier étant les sols minces et sensibles.La sécheresse favorise leur fragilité et leur réduction en poudre aisément exportable. Les sols sont alors appauvris par un premier processus éolien de vannage des particules sableuses et des fines (argiles, limons, sables fins). Le balayage par les vents prend en charge les particules, le vannage les trie et leur accumulation entraîne l’organisation d’une nouvelle génération de dunes. La surexploitation par les activités humaines (agriculture et pâturage) aboutit à la stérilité de ces sols pauvres en matière organique.

La télédétection : un outil pour le diagnostic de l’érosion éolienne 

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Une meilleure lutte contre l’érosion éolienne requiert l’attention des décideurs afin de déceler les seuils de déclenchement dans le temps et dans l’espace de cette érosion et de suivre les nouvelles limites fluctuantes des aires menacées. Il est nécessaire de prendre en compte le caractère global de ce mécanisme, depuis les aires source de sable jusqu’aux aires de dépôt.

La perception des seuils d’amorce de l’érosion éolienne se fait à l’aide des outils de télédétection (images satellites et photographies aériennes, voir la fiche thématique du CSFD n°2) couplés avec des vérifications de terrain. Il existe en effet des signes précurseurs décelables comme, par exemple, l’apparition de dépressions de tailles diverses (blow-out) dans la topographie. Cette détection précoce permet de mettre en place des stratégies préventives efficaces de lutte. Chaque État concerné devrait avoir une ou plusieurs équipes permanentes travaillant sur ces problèmes.

Les images satellites révèlent le caractère global des mécanismes éoliens. Elles ont aidé à définir le concept de système global d’action éolienne (SGAE), régional (SRAE) ou local (SLAE). Le SGAE est constitué par un faisceau de courants de transport éolien de particules, jalonnés par des ergs ouverts qui communiquent entre eux en donnant des chaînes d’ergs comme, par exemple, ceux reliant le Sahara septentrional et central à la zone sahélienne. Il est alors nécessaire de prendre en compte l’unité du SGAE depuis l’aire source de sable jusqu’à l’aire d’accumulation. Les investigations doivent être menées à l’échelle globale, régionale et locale. Cette méthode d’emboîtement d’échelles est un préalable nécessaire pour mettre en placele choix stratégique des aires d’intervention et les moyens de lutte contre l’érosion éolienne.

Le système global d’action éolienne : unité naturelle et lieu de vie 

Les actions éoliennes s’organisent en grandes unités dynamiques d’échelle synoptique (continentale), appelées système global d’action éolienne (SGAE), couvrant l’ensemble du Sahara et du Sahel. Dans l’échelle synoptique s’emboîtent des dynamiques éoliennes d’échelle régionale : système régional d’action éolienne comme celui qui balaie l’Égypte du Nord au Sud. À l’échelle d’un village ou d’un terroir agricole est atteinte l’échelle du système local d’action éolienne. 

La dynamique éolienne ne se limite pas à l’ensablement, même si ce processus est le plus visible et perçu à court terme comme le plus dérangeant. Pour comprendre la dynamique éolienne et permettre une meilleure lutte contre ses effets traumatisants, il est nécessaire de replacer le secteur envisagé dans le SGAE et d’en voir toutes les phases : érosion, transport, accumulation. En effet, trois aires principales se succèdent selon la direction du vent : une aire de départ des particules, une aire de transport et une aire d’accumulation. 

Selon l’aire, les activités anthropiques provoquent des traumatismes différents et les moyens de lutte appropriés sont nécessairement différents. Ces trois unités ne peuvent être dissociées les unes des autres pour la compréhension globale de la dynamique éolienne. La perception du système, vu sa taille, nécessite de recourir à l’utilisation des images satellitaires.

Les techniques de lutte contre l’érosion éolienne 

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La lutte contre la menace éolienne se réalise dans les trois aires suivantes :

  • les aires de départ, où les particules doivent être bloquées ;
  • les aires de transport, où le courant éolien doit être dévié pour éviter l’ensevelissement des infrastructures humaines ;
  • les aires d’accumulation, où il faut fixer le sable vif.

La lutte contre l’érosion éolienne s’organise en deux étapes :

  • Replacer le site à protéger dans le système global, régional et local d’action éolienne, en tenant compte du cadre topographique et du type de dune. Cette étape aboutit à l’estimation de la superficie à stabiliser ou à protéger.
  • L’étape opératoire vise à réduire la vitesse du vent à la surface du sol, par exemple en augmentant sa rugosité de surface.

Les méthodes de protection utilisées et les normes établies varient selon l’expérience propre de chaque pays, selon les particularités du périmètre traité, la nature et la disponibilité en matériaux locaux, mais aussi selon la stratégie politico-économique établie en fonction des objectifs recherchés. L’efficacité des techniques reste locale et n’est pas généralisable à d’autres sites menacés : c’est là un des points critiques de la lutte contre l’ensablement.

L’évaluation de l’efficacité des techniques de lutte contre l’ensablement est ponctuelle et liée au taux de réussite de chaque opération. Les résultats enregistrés sur le terrain et le niveau de protection assuré aux infrastructures sont, avec le coût, les principaux critères d’appréciation de cette efficacité.

Toutes les méthodes doivent prendre en compte :

  • l’accès des paysans et des nomades à leurs champs et à leurs pâturages ;
  • l’organisation traditionnelle des villages ;
  • la disponibilité en main d’œuvre et le savoir-faire rural ;
  • les coûts financiers des techniques de lutte et surtout de leur maintenance.

La réussite des programmes de lutte suppose l’utilisation et la valorisation des spécificités écologiques et humaines locales pour minimiser les coûts et rendre les solutions viables pour les communautés.

Toutes les méthodes de lutte contre la menace éolienne ont pour objectif de limiter la prise en charge, le transport des particules et de contrôler l’organisation de la distribution du sable lors de son dépôt et de son accumulation et surtout de le fixer sur place :

  • Les méthodes de lutte mécanique ont pour objectif de fixer le sable mobilisable et d’empêcher les dépôts sableux sur les infrastructures : palissades, mulch et méthodes aérodynamiques. Ces techniques sont le préalable indispensable à la fixation des sables mobiles et des dunes à court et moyen termes.
  • Les méthodes de lutte biologique consistent à développer une couverture végétale permanente : réenherbement, brise-vent, barrières végétales, ceintures boisées, reboisement. Elles font suite aux techniques mécaniques de stabilisation et de fixation des sables et des dunes, coûteuses, parfois inesthétiques et dont les effets sont temporaires.

La réussite de la mise en œuvre de ces techniques implique la présence d’eau dans le sol à une profondeur accessible aux végétaux ou l’arrosage des plants jusqu’à ce que leur système racinaire atteigne les nappes phréatiques.

Trouver les bonnes solutions est une tâche difficile mais il s’agit surtout de préconiser les solutions utilisant les matériauxet les moyens locaux. Il faut aussi préconiser les solutions à moyen terme en recherchant une fixation biologique, là encore avec des végétaux locaux plutôt qu’avec des végétaux allochtones.